Poésie, chanson, échanges épistolaires, théâtre, nouvelles, roman.....
L'expression écrite a-t-elle véritablement un sens ? Quelle est sa quête ?
Et la mienne, quelle est-elle, à suivre ainsi ce fil qui se déroule sur la lisière de mes rêves ?
Si je n'ai pas trouvé la réponse ni à la seconde ni à la troisième de ces interrogations, concernant la première, en expérimentant les genres cités, j'ai néanmoins repoussé mes limites,
exploré ma liberté, reconnu mes barrières, plongé dans mes propres zones d'ombre, apprivoisé mes doutes, rencontré des visages, aimé des êtres uniques, anticipé sur des événements personnels,
bousculé mes préjugés, consolé des chagrins, croisé des personnages pour certains retournés au néant, pour d'autres si fascinants qu'ils manquèrent de m'aveugler au point de déplorer de
revenir à la substantielle réalité.
TERRE LEGERE - Claire WOLNIEWICZ - Ed° V. HAMY - roman - 198 p
Ils sont de la même famille :
Dans ce roman à 4 voix, tour à tour se révèlent les caractères et les blessures passées.
Un voyage en est le prétexte : c'est Julien, en poste au VIETNAM, qui en prend l'initiative.
Une Laure dépassée par les préparatifs et les responsabilités maternelles aux prises avec les effets d'une chute l'ayant privée de sa passion ; un Ferdinand à l'imaginaire en mouvement mais dépendant des attitudes de sa mère ; un Julien attentif et bienveillant que l'enfance blessée a conduit à déployer énergie et désir de réunir ; un père avide de culture et de rayonnement en proie aux interrogations de l'âge.
Les vicissitudes et la participation à ce voyage de 3 autres personnages vont fournir l'occasion à cette famille de se pencher sur leurs relations à la lumière de leur histoire individuelle.
Après ses roman "Ubiquité" et "Le temps d'une chute" Claire WOLNIEWICZ, dans "Terre légère", démontre une habileté à rapprocher les êtres à travers ces portraits peu à peu distillés. Elle excelle à démontrer combien il ne faut guère se fier aux apparences que chacun laisse paraître. En deçà, se dévoilent la profondeur des êtres.
Au bénéfice d'un événement, l'improbable peut encore se produire. Et c'est le moment fort du livre, celui qui fait du bien, celui qui redonne goût aux relations, celui qui vous tire vers l'émotionnel. Une histoire parfaitement maîtrisée. Sans l'ombre d'un doute, l'auteure au fil de ses romans grandit et c'est un plaisir de constater son évolution.
Contrairement au personnage du père, omniprésent par son savoir, la discrétion de Claire WOLNIEWICZ derrière ce texte n'en laisse pas moins voir quelques idées :
"Est-ce tout ne tient qu'à un fil ? Certains sont si gros et on les tient si fort, on sait qu'on ne les lâchera jamais. Mais les autres, ceux qui semblent aller de soi, que se passe-t-il si on les oublie ?" interroge-t-elle. "On a si peu de temps pour naître à l'instant". "Est-ce que mes propres mots n'ont pas plus de sens puisqu'ils m'appartiennent ?".
EXTRAIT à lire sur le site de l'éditrice
- Première partie : un plus un plus un
- Deuxième partie : deux plus un
- Troisième partie : trois
Mais quel est donc ce décompte étrange ?
A travers 24 chapitres, évoluent trois personnages atypiques, dont les personnalités se placent aux antipodes les unes des autres, sans apparent trait commun :
Melle B.
Morne, éteinte, sans but, échappant volontairement au regard des autres, elle se livre à de névrotiques répétitions de tables de multiplication pour conjurer ses crises de panique. Privée d'amour parental depuis sa naissance, en proie à des angoisses sclérosantes, n'a vu qu'une seule fois la couleur du bonheur...
Giacomo
Clown aux cheveux argentés, trop vieux pour parler d'amour à Ismaëla, mais d'une générosité aussi fine que son empathie. De son enfance à ses jours en déclin, sans descendance, il invente des symphonies de senteurs pour inviter les spectateurs à renouer avec l'émotion de leurs sens.
Le môme
C'est sur une décharge qu'il a grandi. Seul, sans lien humain pendant longtemps, c'est un chien qui l'ouvrira à une première communication. L'enfant ne parle pas, il aboie.
Mais un jour, le chien revient le ventre en sang.
Le môme a appris le langage des couleurs. Le jaune lui procure bonheur. Le rouge est la couleur de la douleur ; celle ressentie à la disparition de son unique compagnon.
Il crée sans le savoir. Une sortie de la décharge le précipitera vers un monde hostile dont il refuse de rester prisonnier en s'adonnant toujours avec plus de frénésie à la composition picturale.
La lente et progressive rencontre de ces destinées est tout l'art de Tatiana ARFEL.
Approfondissant la logique et la personnalité de chacun de ces êtres, elle déploie son talent dans des descriptions d'une subtilité fascinante, dresse une toile d'une remarquable humanité. Le style est prometteur malgré quelques longueurs, aisément pardonnables tant l'intérêt reste cependant maintenu jusqu'aux dernières pages.
Une jolie prouesse que ce rapprochement orchestré avec une dextérité peu habituelle dans un premier roman.
Cette année, Jennifer, ma fille passe son Bac, série Littéraire.
Hier, ce fut donc le grand jour pour la Philosophie (et pour la Littérature).
Pour la Philosophie, 3 sujets furent proposés au choix du candidat :
1- l'objectivité de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de l'historien ?
2- le langage trahit-il la pensée ?
3- explication de texte (la doctrice de l'auteur n'était pas requise. Il fallait et suffisait que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question).
C'est ce dernier choix qu'a opéré Jennifer.
Je vous en partage, pour réflexion, le texte ci-dessous :
" Il n'y a pas de satisfaction qui d'elle-même et comme de son propre mouvement vienne à nous ; il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or avec la satisfaction cesse le désir et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin ; sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Or c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passée, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement ; et, en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous".
SCHOPENHAUER, Le monde comme volonté et comme représentation.
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A mes amis bloggeurs :
Que vous inspire ce texte ? Partagez-vous les constats de l'auteur ?
Selon votre vécu, deux siècles plus tard, contesteriez-vous ceux-ci à l'auteur ?
Auriez-vous choisi vous aussi ce sujet ?
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« La volonté singulière d'un individu n'a qu'une existence illusoire, elle est de toutes parts immergée dans le jeu infini et absurde d'une réalité qui la dépasse et finit par la détruire ».
(Schopenhauer)
"La souffrance (vu sur WIKIPEDIA)
Le comportement des animaux et des hommes, qui sont les objectivations supérieures de la Volonté dans les strates de l'existence, est entièrement régi par la fuite de la souffrance, qui, comme idiosyncrasie, est perçue, in fine, positivement. Les plaisirs ne sont que des illusions fugaces, des apaisements possibles au creux des désirs et tracas ininterrompus. Ils n’apparaissent qu’en contraste avec un état de souffrance, et ne constituent pas une donnée palpable réellement pour les êtres en mouvement. Le bonheur, toujours fugace, peut constituer un repos de l’esprit mais reste un repos éphémère, puisqu'il est sans cesse troublé par l'apparition de nouveaux désirs, lesquels, s'ils restent inassouvis, constituent un obstacle au bonheur. Parce que tous les êtres souffrent, la souffrance est la vérité commune aux êtres qui constituent le monde, et une vérité psychologique et archétypique de la condition humaine."
"Le sentiment amoureux (vu sur WIKIPEDIA)
Le sentiment amoureux n’est autre chose que l’instinct sexuel en puissance ; et l’instinct sexuel traduit la tendance concrète du Vouloir à se perpétuer dans l’existence. C’est dire que la passion amoureuse désigne cette ruse que le Vouloir applique à des êtres dont les intérêts conscients sont uniquement égoïstes. C’est ainsi que je vais me croire libre de rechercher à la fois la compagnie de l’être aimé et la satisfaction engendrée par la jouissance sexuelle, alors qu’en réalité, par une telle attitude, je me constitue en esclave du Vouloir et de son intérêt primordial : sa manifestation phénoménale. Avoir l’illusion de servir ses intérêts privés, c’est donc assurer la subsistance du Vouloir auquel je suis soumis."