Cette année, Jennifer, ma fille passe son Bac, série Littéraire.
Hier, ce fut donc le grand jour pour la Philosophie (et pour la Littérature).
Pour la Philosophie, 3 sujets furent proposés au choix du candidat :
1- l'objectivité de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de l'historien ?
2- le langage trahit-il la pensée ?
3- explication de texte (la doctrice de l'auteur n'était pas requise. Il fallait et suffisait que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question).
C'est ce dernier choix qu'a opéré Jennifer.
Je vous en partage, pour réflexion, le texte ci-dessous :
" Il n'y a pas de satisfaction qui d'elle-même et comme de son propre mouvement vienne à nous ; il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or avec la satisfaction cesse le désir et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin ; sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Or c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passée, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement ; et, en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous".
SCHOPENHAUER, Le monde comme volonté et comme représentation.
---------------
A mes amis bloggeurs :
Que vous inspire ce texte ? Partagez-vous les constats de l'auteur ?
Selon votre vécu, deux siècles plus tard, contesteriez-vous ceux-ci à l'auteur ?
Auriez-vous choisi vous aussi ce sujet ?
...
-----------------
« La volonté singulière d'un individu n'a qu'une existence illusoire, elle est de toutes parts immergée dans le jeu infini et absurde d'une réalité qui la dépasse et finit par la détruire ».
(Schopenhauer)
"La souffrance (vu sur WIKIPEDIA)
Le comportement des animaux et des hommes, qui sont les objectivations supérieures de la Volonté dans les strates de l'existence, est entièrement régi par la fuite de la souffrance, qui, comme idiosyncrasie, est perçue, in fine, positivement. Les plaisirs ne sont que des illusions fugaces, des apaisements possibles au creux des désirs et tracas ininterrompus. Ils n’apparaissent qu’en contraste avec un état de souffrance, et ne constituent pas une donnée palpable réellement pour les êtres en mouvement. Le bonheur, toujours fugace, peut constituer un repos de l’esprit mais reste un repos éphémère, puisqu'il est sans cesse troublé par l'apparition de nouveaux désirs, lesquels, s'ils restent inassouvis, constituent un obstacle au bonheur. Parce que tous les êtres souffrent, la souffrance est la vérité commune aux êtres qui constituent le monde, et une vérité psychologique et archétypique de la condition humaine."
"Le sentiment amoureux (vu sur WIKIPEDIA)
Le sentiment amoureux n’est autre chose que l’instinct sexuel en puissance ; et l’instinct sexuel traduit la tendance concrète du Vouloir à se perpétuer dans l’existence. C’est dire que la passion amoureuse désigne cette ruse que le Vouloir applique à des êtres dont les intérêts conscients sont uniquement égoïstes. C’est ainsi que je vais me croire libre de rechercher à la fois la compagnie de l’être aimé et la satisfaction engendrée par la jouissance sexuelle, alors qu’en réalité, par une telle attitude, je me constitue en esclave du Vouloir et de son intérêt primordial : sa manifestation phénoménale. Avoir l’illusion de servir ses intérêts privés, c’est donc assurer la subsistance du Vouloir auquel je suis soumis."