Le 4 septembre dernier, STRASBOURG accueillait au sein de sa Cité de la Musique, Elie WIESEL, Prix Nobel de la Paix, dans le cadre d’un débat public organisé par la librairie Kléber en collaboration avec le Fonds social juif unifié, Relatio-Europe et la Ville de Strasbourg.
« Si la paix est possible ici« , rappelle-t-il d’une voix grave, en évoquant la visite sur le pont franco-allemand d’un précédent Prix Nobel en cette ville, « c’est qu’elle est possible ailleurs »
Pris à partie à propos de la délivrance du Prix par sa Fondation au Président de la République française, il estime « avoir une dette envers la France » : c’est la France qu’il honore à travers son Président
Particulièrement attaché à la ville de JERUSALEM (rappelons qu’Elie WIESEL a refusé la présidence d’Israël : « Le pouvoir change la personne. J’ai peur du pouvoir. ») il garde son espérance en « ceux qui ont la passion de l’humanité » , tout comme en la littérature (« sous Staline, on a violé le langage ») défendant « le choix des mots, le mot juste, le mot vrai » dans l’expression française (« une langue refuge » car « entrer dans cette langue était entrer dans un autre univers, des fascinations, des obsessions qui font la matière de mes livres »).
Il met en garde contre la tentative de la haine. « Qu’y a-t-il de séducteur là-dedans ? Le beau et la haine ne vont pas ensemble. La haine c’est-ce qui dans la vie est nocif, dangereux, destructeur, et pourtant on n’y échappe pas. Comment produit-on la haine ? Qu’est-ce qui fait que la haine soit ?
Caïn et Abel, les seuls frères au monde, sont devenus des ennemis. L’un est devenu le bourreau de l’autre. Pourquoi ? Quiconque tue, tue son frère ! Au départ Caïn ne savait pas qu’il avait tué. Il avait avant été triste, mélancolique, désespéré… il avait parlé à son frère… et il le tua. Abel avait été indifférent à la douleur de son frère. L’indifférence est le premier mal de la haine »…
« Ne te tiens pas tranquille alors que le sang de ton semblable est versé » est un verset qu’il tient devant ses yeux au quotidien. « Si quelqu’un souffre, je me dois d’être à ses côtés. Il est de mon devoir de lui dire qu’il n’est pas seul, sinon il se sentira abandonné ». Il donne ici l’image du prisonnier et de son inquisiteur qui l’humilie : tu n’es plus personne, tu es seul »
Or, ce qu’Elie WIESEL tient à dire, en tant que rescapé d’un camp de concentration, épreuve qui aurait pu faire de lui un homme de haine, sera ceci : « Tu n’es pas seul ! Voilà ce que je dois lui dire ! ». Elie Wiesel en fervent défenseur de la paix refuse d’encourager la notion de culpabilité collective mais estime : « je suis responsable de mes actes, de mes paroles, de l’interprétation qu’on donne de mes écrits (si ce n’est pas compris c’est que j’aurais dû écrire mieux) »…
Une certaine ambivalence dans cette dernière phrase, à mon avis, car comment maîtriser l’interprétation qu’un autre peut donner à ses paroles ou à ses écrits ? Atteint-on seulement la perfection un jour dans notre expression d’une manière telle qu’aucun propos ne puisse jamais plus être reçu autrement que tel que nous voulions l’exprimer ? Chacun n’est-il pas responsable aussi de l’interprétation qu’il attribue aux choses, aux événements et aux autres ?