4e de couverture : " Ils disent, par exemple: Apollon. Ou: la Grande Tortue. Ou: Râ, le dieu Soleil. Ou: Notre Seigneur, dans Son infinie miséricorde. Ils disent toutes sortes de choses, racontent toutes sortes d'histoires, inventent toutes sortes de chimères.
C'est ainsi que nous, humains, voyons le monde : en l'interprétant, c'est-à-dire en l'inventant, car nous sommes fragiles, nettement plus fragiles que les autres grands primates.
Notre imagination supplée à notre fragilité. Sans elle - sans l'imagination qui confère au réel un Sens qu'il ne possède pas en lui-même - nous aurions déjà disparu, comme ont disparu les dinosaures.
Née à Calgary (Canada), Nancy Huston, qui vit à Paris, a publié de nombreux romans et essais chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996, prix Goncourt des lycéens et prix du livre Inter), L'empreinte de l'ange (1998, grand prix des lectrices de ElleJ et Lignes de faille (2006, prix Femina). "
Mon appréciation :
c'est sur une interpellation que Nancy HUSTON ouvre ce livre :
" A quoi ça sert d'inventer des histoires alors que la réalité est tellement incroyable ?"
S'interrogeant sur la naissance du Sens - né de ce constat que "seuls de tous les vivants terrestres, les humains savent qu'ils sont nés et qu'ils vont mourir", l'auteure pose, d'emblée, que le "Moi" est une fiction. A commencer par nos prénoms et noms.
Notre cerveau est un conteur qui fabrique des fictions.
Pour dompter l'Arché-texte, s'en échapper, entre croyances, fables guerrières et intimes (amitié, amour passion,couple, amour parental, mariage, mais hélas aussi oppression des femmes, prostitution, viol, féminisme), nous nous créons un personnage, une identité fictive.
Le parallèle entre roman et vie réelle évidemment est ici incontournable.
Après avoir démontré l'importance de ces fictions - et notamment celles que constituent les romans - Nancy HUSTON concluera :
"La vie a des Sens infiniment multiples et variés : tous ceux que nous lui prêtons"...
Un véritable plaidoyer pour la fiction, indispensable à notre construction, tout comme à la survie de notre espèce, fragilisée par la dotation d'une conscience.
"Découverte sans doute avant le feu, la fiction a dû naître dans la résille de nos neurones avec le geste et la parole, et longtemps, orale avant d'être écrite et bien plus tard imprimée, elle a servi dès les commencements, à travestir l'ignorance de nos origines, à brider les peurs de l'inexplicable et à justifier les pouvoirs que les plus roublards et les plus rusés en tiraient. Et il nous en est resté quelque chose..."
(Hubert NYSSEN)