Portrait de l’écrivain en animal domestique – Lydie SALVAYRE – Seuil – Roman – 235 p
4e de couverture : « Tout oppose, a priori, l’écrivain et le businessman. L’un incarne (ou le croit) la soif d’absolu, le goût de l’inutile, l’esprit de révolte. L’autre, la brutalité affairiste, l’accumulation avide et le désir violent de dominer.
Qu’advient-il lorsque l’un se met au service de l’autre ? Lorsque l’écrivain accepte d’écrire la biographie, forcément élogieuse, du businessman ? Quelles fascinations s’exercent ? Quelles complicités se lient ? De quelles abdications se paient-elles ? Jusqu’où et jusqu’à quand peut-on, sans se renier, se compromettre ?
Ces questions sont vieilles comme le monde et pressantes comme jamais. Lydie Salvayre les examine avec un regard dont la gravité, la malice et l’irrévérence n’épargnent ni l’un ni l’autre des deux protagonistes. »
Mon appréciation : un magnat du hamburger imbu de sa personne et une écrivaine naïve (en apparence) ! À l’opposé l’un de l’autre, leurs univers ne se ressemblent guère…
Il est détestable, grossier, néanmoins le personnage la fascine. Lui ou son univers luxueux tellement tentant et en contraste avec sa « vie commune, je veux dire terne, je veux dire chiche (les revenues d’un écrivain étant, pour le moins, incertains, si j’en crois mon expérience), je veux dire paperassière, je veux dire merdeuse à souhait et aux longues heures passées à rêver d’un destin plus glamour » ? Elle se trouve lâche de ne pas oser lui dire en face ce qu’elle pense tout bas de sa goujaterie, de ses propos insultants et égocentriques. Comment donc, prise entre de tels sentiments, rester fidèle à ses idéaux tout en honorant le contrat pour lequel il l’a rétribue : écrire un nouvel évangile entièrement dédié à la personne de Tobold, lui qui rencontre les personnalités les plus en vue, lui qui nourrit l’humanité de sa « frite eucharistique » ( !), lui qui met le monde à sa botte, lui qui dévoile sans scrupule à la narratrice sa gestion de la chaîne du hamburger et sa conception évangélique du système du libre marché (sa religion à lui !) ?
« C’est noté ? » ne cesse-t-il de lui scander comme il ordonne à son chien (Dow Jones), bien mieux traité que certains humains de son entourage.
Ce livre est d’un humour caustique délectable. L’écriture est brillante et ose cette difficile conjugaison de l’imparfait du subjonctif pour conduire à un seul impératif : le plaisir de lire !
Quel talent, Lydie SALVAYRE prête-t-elle à son héroïne quand, dans ses retranscriptions, elle enjolive avec une facilité déconcertante les propos bruts et révoltants de ce Tobold dont on guette sans pitié la faille, la chute !