BROOKLYN FOLLIES - Paul AUSTER - Roman traduit de l'américain par Christine LE BOEUF - BABEL Actes Sud - 364 p
4e de couverture : "Nathan Glass a soixante ans. Une longue carrière dans une compagnie d'assurances à Manhattan, un divorce, un cancer en rémission et une certaine solitude qui ne l'empêche pas d'aborder le dernier versant de son existence avec sérénité. Sous le charme de Brooklyn et de ses habitants, il entreprend d'écrire un livre dans lequel seraient consignés ses souvenirs, ses lapsus, ses grandes et petites histoires mais aussi celles des gens qu'il a croisés, rencontrés ou aimés. Un matin de printemps de l'an 2000, dans une librairie, Nathan Glass retrouve son neveu Tom Wood, perdu de vue depuis longtemps. C'est ensemble qu'ils vont poursuivre leur chemin, partager leurs émotions, leurs faiblesses, leurs utopies mais aussi et surtout le rêve d'une vie meilleure à l'hôtel Existence...
Un livre sur le désir d'aimer. Un roman chaleureux, où les personnages prennent leur vie en main, choisissent leur destin, vivent le meilleur des choses - mais pour combien de temps, encore, en Amérique ?... "
Mon appréciation : qu'il s'agisse du héros, le retraité Nathan qui s'installe à Brooklyn pour y finir sa vie en occupant ses journées à la rédaction d'un saugrenu livre récapitulant lapsus et maladresses, de Tom son neveu promis à un avenir brillant mais finalement devenu chauffeur de taxi puis employé de librairie dépressif, de sa nièce au destin torturé passant du milieu pornographique au statut d'épouse modèle aux côtés d'un mari chrétien intégriste, de la petite Lucy - fille de l'épouse modèle - envoyée clandestinement par sa mère vers son oncle pour la sauver des griffes du fanatisme religieux et pervers, de Harry, ex galeriste, magouilleur, et ex taulaud, ou encore de la "JMS" (Jeune Mère Sublime) mariée et "reine de Brooklyn" par sa beauté rayonnante... dans ce roman haut en couleurs, teinté d'humour, de désarroi et d'amour, les destins s'entrecroisent, interagissent les uns sur les autres.
Paul AUSTER a l'art de dire, l'art de séduire son lecteur. Ses digressions sont délectations : hors ses personnages il se permet de nous enseigner ! Je pense à la touchante scène de Kafka dont il nous apprendra que cet auteur reconnu s'était prêté à l'écriture de plusieurs lettres au nom d'une poupée disparue dans l'unique but de consoler la petite fille rencontrée en pleurs dans un parc, l'amenant ainsi doucement à faire son deuil de ce jouet important pour elle.
Séduisante aussi l'idée d'un Hôtel Existence :" la seule raison d'être d'un hôtel était d'assurer bonheur et confort, et dès l'instant où on avait signé le registre et où on était monté dans sa chambre, il n'y avait plus qu'à demander et on avait tout ce qu'on voulait. Un hôtel, ça représentait la promesse d'un monde meilleur, un endroit qui était davantage qu'un simple endroit, c'était une occasion, une chance de vivre à l'intérieur de vos rêves...une retraite, un monde que je pouvais visiter en pensée... l'évasion... Tout le monde en a un. Et de même qu'il n'existe pas deux hôtels identiques, chaque Hôtel Existence est différent de tous les autres".
La différence entre une existence et une vie ? "Existence c'était plus grand que simplement vie. C'était la vie de tout le monde ensemble".
Le roman s'achève sur les tristes événements du 11 septembre 2001. Deux heures auparavant Nathan, hospitalisé à la suite d'un malaise, venait de prendre conscience de la fragilité de ces vies autour de lui et de la sienne. En réaction, il élaborait dans sa tête un nouveau projet : monter sa société "Bios Unlimited". C'est décidé, il deviendra biographe. ("Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres")...
Brooklyn ? Un quartier rempli... d'existences !