« …Car la poésie ne s’adresse pas seulement au sujet de telle monarchie, au sénateur de telle oligarchie, au citoyen de telle république, au natif de telle nation ; elle s’adresse à l’homme, à l’homme tout entier. À l’adolescent, elle parle de l’amour ; au père, de la famille ; au vieillard, du passé ; et, quoi qu’on fasse, qu’elles que soient les révolutions futures, soit qu’elles prennent les sociétés caduques aux entrailles, soit qu’elles leur écorchent seulement l’épiderme, à travers tous les changements politiques possibles, il y aura toujours des enfants, des mères, des jeunes filles, des vieillards ; des hommes enfin, qui aimeront, qui se réjouiront, qui souffriront. C’est à eux que va la poésie. Les révolutions, ces glorieux changements d’âge de l’humanité, les révolutions transforment tout, excepté le cœur humain. Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain : la base de l’art, comme elle de la nature.
Pour que l’art fût détruit, il faudrait donc commencer par détruire le cœur humain… »
Victor HUGO – Les feuilles d’automne
Paris 20 novembre 1831)